Hugo Ste-Marie, premier directeur de la Stratégie de portefeuille et quantitative, Recherche sur les actions mondiales, discute des principaux thèmes qui façonneront le paysage des placements cette année.
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Résumé de l’épisode :
Pour bien des investisseurs, 2024 a été une bonne année. Mais que nous réserve 2025? Hugo Ste-Marie, premier directeur de la Stratégie de portefeuille et quantitative, Recherche sur les actions mondiales, discute des principaux thèmes qui façonneront le paysage des placements cette année.
Il fera le point sur les orientations que pourraient prendre les marchés, les occasions à saisir, les risques potentiels, l’impact possible de la nouvelle administration américaine et bien d’autres sujets.
Présentatrice : Vous écoutez le balado Le point sur les marchés de la Banque Scotia. La série de balados Le point sur les marchés fait partie de la série Capital de connaissances. Elle vise à vous présenter les perspectives des leaders et experts des Services bancaires et marchés mondiaux de la Banque Scotia.
Stephen Meurice (SM) : Je m’appelle Stephen Meurice. J’anime aujourd’hui ce balado hebdomadaire Perspectives de la Banque Scotia. Vous entendrez aujourd’hui un épisode que j’ai récemment enregistré pour Perspectives avec Hugo Ste‑Marie, premier directeur de la Stratégie de portefeuille et quantitative, Recherche sur les actions mondiales à la Banque Scotia. Hugo est aussi l’un des auteurs d’un récent rapport de la Banque Scotia qui jette un regard sur les marchés en 2025. Dans ce rapport, Hugo et les coauteurs de ce rapport exposent dans leurs grandes lignes les thèmes essentiels qui, à leur avis, viendront modeler le paysage des placements dans la nouvelle année. Il va approfondir certains de ces thèmes et il nous éclairera sur les orientations que pourraient prendre les marchés, de même que sur les perspectives et les risques, les surprises potentielles, l’impact possible de la nouvelle administration américaine et bien d’autres sujets à l’aube de cette nouvelle année. Avant de commencer, permettez‑moi de vous rappeler de toujours consulter votre propre conseiller avant de prendre des décisions pour vos placements. Je m’appelle Stephen Meurice et bienvenue à Perspectives.
Hugo, je suis heureux de vous accueillir à nouveau dans ce balado. C’est toujours génial de vous entendre.
Hugo Ste‑Marie (HSM) : Merci de m’avoir invité.
SM : Très bien. Avant de commencer, je tiens à préciser que votre travail consiste essentiellement à conseiller des investisseurs institutionnels à l’échelle mondiale, et pas nécessairement les investisseurs particuliers. Ceci dit, votre avis sur l’ensemble de la conjoncture macroéconomique intéressera bien des gens et pourra leur donner une vue d’ensemble de la situation.
HSM : Exactement.
SM : Bon! Je pense qu’il est probablement impossible de parler des perspectives des marchés pour 2025 sans d’abord donner une petite idée de l’ensemble de la conjoncture macroéconomique. Et je crois en particulier que la deuxième administration Trump pourrait avoir une incidence sur la conjoncture. Nous pourrions peut‑être commencer par là. En quoi ces facteurs ont‑ils une incidence sur vos prévisions?
HSM : C’est une excellente question. Même si nous pouvons miser sur ce que j’appellerais un scénario de base radieux, il y a certes des risques qui pointent à l’horizon pour 2025. Comme vous l’avez si bien dit, la nouvelle administration Trump représente l’un de ces risques. Si le nouveau président devait imposer de lourds tarifs douaniers au Canada, au Mexique, à l’Europe et à la Chine, il va de soi que la croissance de l’économie mondiale ne s’améliorera pas autant que ce à quoi nous nous attendons aujourd’hui. Il pourrait y avoir un risque énorme pur ce qui est des résultats bénéficiaires des entreprises. Si la croissance devait décevoir ou régresser et se contracter à cause des tarifs douaniers, il est évident qu’on ne pourra pas compter sur une croissance de 10 % à 12 % du bénéfice par action des entreprises en 2025, ce qui pourrait donner lieu à un brusque repli des cours boursiers. Il s’agit donc d’un risque considérable. Nous devrions avoir plus de détails dans les prochaines semaines, et peut‑être même dans les prochains mois. Nous saurons alors ce qu’il adviendra des tarifs douaniers.
SM : Très bien. Je crois qu’il y a différentes forces à l’œuvre. D’une part, je pense que nombreux sont ceux qui s’attendent à ce que l’administration Trump soit une bonne nouvelle pour la conjoncture commerciale et la croissance à ce point de vue. Mais il pourrait y avoir des inconvénients, dont les tarifs douaniers, entre autres.
HSM : Oui, absolument. C’est la raison pour laquelle le marché s’est d’abord envolé assez vigoureusement après la présidentielle du 5 novembre. On misait sur les baisses d’impôts. Je crois que c’est ce qui pourrait se produire. Mais la grande question est de savoir si les tarifs douaniers sont seulement une ruse pour tirer le meilleur parti possible des partenaires commerciaux des États‑Unis ou si Donald Trump a décidé d’imposer ces tarifs à la plupart des partenaires commerciaux. À nouveau, même si ces tarifs nous sont imposés, seront‑ils très élevés? Comme Trump l’a plusieurs fois mentionné, il imposerait des tarifs de 25 % sur les exportations canadiennes. Mais, si ce n’est pas 25 % et que c’est 5 %, ce sera beaucoup plus facile à gérer. Encore une fois, il y a beaucoup d’incertitude, et nous ne savons même pas s’il y aura ou non des tarifs douaniers. Mais s’il y en a, seront‑ils modestes ou importants? Et seront‑ils généralisés ou plus ciblés sur une industrie ou deux, ce qui serait plus facile à encaisser à mon avis, d’un point de vue économique et pour l’économie canadienne.
SM : Très bien. Avant même de parler des thèmes spécifiques du rapport que j’ai évoqué à plus tôt, pourriez‑vous nous dire un mot sur ce rapport et sur son objectif. S’agit‑il en quelque sorte d’un guide pour les investisseurs à l’orée de 2025?
HSM : On peut effectivement dire qu’il s’agit d’un guide. Au moment où nous l’avons rédigé, au début de décembre, nous avons consacré tous nos efforts à cerner ce qui pourrait se produire en 2025. Il va de soi que bien des choses pourraient changer dans l’année. Mais lorsque nous avons rédigé ce rapport et même en vous en parlant aujourd’hui, notre scénario de base prévoit une croissance honnête. Et je crois que cette croissance sera favorable à la valorisation des actifs à risque dans ce parcours.
SM : Très bien. Parlons donc de ce rapport. Les taux d’intérêt sont l’un des premiers thèmes que vous abordez. Vous parlez d’un «cycle d’assouplissement synchronisé». Qu’entendez‑vous par là?
HSM : Lorsqu’il est question des titres boursiers ou des placements, il faut commencer par regarder paysage macroéconomique mondial. Avant de parler des placements, il faut aussi anticiper l’évolution de l’économie des États‑Unis, du Canada, de l’Europe et de la Chine. L’assouplissement monétaire mondial est certes l’un des grands thèmes qui a marqué 2024 et qui se transposera en 2025. C’est ce que nous appelons le «cycle d’assouplissement synchronisé». Jusqu’à maintenant, les taux d’intérêt baissent au Canada et aux États‑Unis, dans certains pays de l’Amérique latine, en Europe et en Asie, dont en Chine. Je crois qu’il s’agit de l’un des grands motifs qui expliquent notre optimisme pour 2025. Généralement, il faut un certain temps avant que se manifeste, partout dans le monde, un cycle d’assouplissement généralisé. Or, ce cycle a tendance à muscler la croissance mondiale. Les États‑Unis connaissent déjà une conjoncture favorable. Lorsqu’on jette un regard sur l’économie américaine, je crois que le consensus se dégage sur un taux de croissance de 2 % du PIB en 2025. Je pense qu’on pourrait même dépasser ce taux. La Fed abaissera probablement ses taux à quelques reprises l’an prochain, peut‑être deux ou trois fois au maximum. C’est probablement moins que ce qu’envisageaient les investisseurs il y a quelques mois, puisque l’économie se porte probablement mieux que ce à quoi ils s’attendaient et que l’inflation est un peu plus tenace. Or, il est évident que l’économie américaine continuera de se détendre et que la Fed adoptera des mesures de relance monétaire. C’est ce qui explique notre optimisme pour l’économie américaine. Le consommateur se porte lui aussi très bien. Il s’est produit l’an dernier un énorme effet de richesse. Si l’on pense à la hausse de la valeur du marché obligataire aux États‑Unis et du marché boursier, la valorisation est énorme, ce qui sera favorable aux dépenses de consommation en 2025. Le marché de l’emploi continue de très bien tirer son épingle du jeu. La croissance des salaires est vigoureuse, ce qui devrait, à nouveau, favoriser les dépenses de consommation. Les prix des logements ont commencé à rebondir. Je crois qu’on peut donc s’attendre à une conjoncture assez favorable, dans laquelle l’économie devrait être assez vigoureuse, peut‑être même meilleure que le consensus actuel. Je disais que le consensus est de l’ordre de 2 %. Je ne serais pas étonné que le PIB connaisse une croissance plus forte que celle qu’envisagent aujourd’hui les économistes. La nouvelle administration Trump pourrait décider de baisser les impôts cette année, ce qui est de bon augure pour les résultats bénéficiaires des sociétés du S&P 500. L’évolution de la rentabilité est le principal facteur qui porte à long terme le marché boursier. Les résultats bénéficiaires continueront probablement de rebondir en 2025. Le consensus prévoit une croissance des résultats bénéficiaires de l’ordre de 12 % ou de 13 %, ce qui est certes réalisable si l’économie se porte aussi bien que nous le croyons. La valorisation est à la hausse. Il est évident que les titres du S&P 500 s’échangent à un multiple de 22. Mais je crois que si la conjoncture se détend, ce pronostic est probablement viable.
SM : Très bien. Vous avez aussi écrit que l’abondance des liquidités cherche un preneur. Entendez‑vous par là qu’il y a d’abondantes liquidités à investir?
HSM : Oui, absolument. Il y a quelques précisions à apporter sur ce point. Quand on se penche sur ce que j’appelle les dépôts excédentaires dans le système financier et dans le système bancaire américain, on pourrait dire que statistiquement, la progression se déroule en douceur. Ainsi, les réserves ont tendance à augmenter, tout comme les liquidités, et l’épargne progresse lentement. Mais depuis la pandémie, ces dépôts ont énormément augmenté et ne regagnent pas les niveaux tendanciels, comme nous les appelons. Ils sont toujours nettement supérieurs à la tendance. Autrement dit, les entreprises et les consommateurs ont toujours, essentiellement dans leurs comptes de banque, des liquidités à dépenser. Il s’agit du tout premier volet de la question. Pour ce qui est des placements, quand on se penche sur le marché monétaire américain, on constate qu’il regroupe plus de 6 000 milliards de dollars. De cette somme, il y a presque 2 000 milliards et demi à 3 000 milliards de dollars qui appartiennent à des investisseurs particuliers. Puisqu’on s’attend à ce que la Fed élague encore son taux directeur en 2025, le profil des rendements sur les liquidités est appelé à diminuer puisqu’il est lié à des taux à court terme. Comme les taux à court terme baissent, les liquidités dégageront des rendements moindres en 2025. Pour ce qui est du risque, parce que le profil des rendements se détériore pour les liquidités, je dirais que les investisseurs pourraient être tentés de réaffecter ces liquidités à des actifs dont le profil de rendement en fonction des risques est supérieur, à mon avis. Et c’est ce qui pourrait favoriser les marchés boursiers en 2025.
SM : D’accord.
HSM : Au Canada, nous avons relevé des similitudes, puisque nous pensons toujours que les investisseurs particuliers ont d’assez bonnes réserves de liquidités, ce qui pourrait faire aussi bouger l’aiguille.
SM : Donc, les consommateurs disposent d’importantes liquidités. Ils continueront donc de dépenser, ce qui est toujours une bonne nouvelle pour l’économie. Les investisseurs ont eux aussi des fonds à investir et cherchent où placer leur argent, ce qui permet aussi aux entreprises d’investir dans leurs propres activités et d’engager plus de dépenses, du moins… d’après ce qu’on pourrait penser.
HSM : Exactement.
SM : Très bien. Enchaînons avec le thème suivant : L’évolution à la hausse des marchés boursiers américains se poursuit, mais il faut se diversifier. Qu’entendez‑vous par là? Je suppose que vous voulez dire qu’il faut s’éloigner un peu des «sept magnifiques» pour miser sur d’autres valeurs.
HSM : Absolument. Et comme nous l’avons dit un peu plus tôt en parlant des titres boursiers américains, je crois qu’il faut s’attendre à ce que l’économie, déjà vigoureuse, continue de progresser ou à ce que les résultats bénéficiaires continuent d’augmenter. Donc, on pourrait constater une nouvelle hausse de l’indice S&P 500. Ceci dit, quand on pense à 2023 et à 2024, les titres des sept magnifiques ont massivement dominé la Bourse, et la situation a été plus difficile pour les titres de faible et de moyenne capitalisations. Le rendement de l’indice S&P 500 à pondération égale a même été très inférieur à celui de l’indice S&P pondéré en fonction de la capitalisation boursière. Nous croyons donc qu’il se pourrait qu’en 2025, on doive miser sur la diversification outre les sept magnifiques. L’écart dans la croissance des résultats bénéficiaires entre les sept magnifiques et les autres titres du marché a été très marqué en 2023 et en 2024, mais cet écart pourrait s’amenuiser, ce qui explique essentiellement qu’une diversification soit nécessaire. En 2024, la croissance des résultats bénéficiaires des sept magnifiques était nettement plus forte que le reste du marché. En 2025, les titres des sept magnifiques continueront de surclasser les autres titres du point de vue des résultats bénéficiaires, mais cet écart dans la croissance des résultats bénéficiaires sera moindre que ce qu’il a été l’an dernier. Et en ce qui a trait à la valorisation, je crois que les autres titres du marché gagneraient à faire un peu mieux et à être un peu plus concurrentiels que les sept magnifiques. C’est donc effectivement ce que nous entendons quand nous disons que la diversification est nécessaire. Nous voulons dire par là qu’il faut acheter des titres américains, mais que sur le marché boursier des États‑Unis, il pourrait y avoir des titres de petite capitalisation et de moyenne capitalisation intéressants, et que l’indice S&P à pondération égale pourrait se tirer relativement bien d’affaire et faire probablement mieux, ou du moins aussi bien que l’indice S&P 500 pondéré en fonction de la capitalisation.
SM : Je vois. Ce propos s’enchaîne avec votre prochain point qui dit que, du point de vue de la valeur des opérations, les titres américains de faible capitalisation pourraient frapper un coup de circuit ou un grand chelem, n’est‑ce pas? Essentiellement, les fonds à investir seront‑ils un peu mieux répartis parmi l’ensemble des entreprises de différentes tailles aux États‑Unis au lieu d’être concentrés dans ces sept géants?
HSM : C’est exact. Si on se penche sur l’indice Russell 2000 ou sur l’indice S&P 600, qui regroupent les indices repères des sociétés à faible capitalisation aux États‑Unis, ces titres se sont vraiment moins bien tirés d’affaire dans les dernières années. Ils ont dégagé des rendements inférieurs aux grandes capitalisations et leur rendement a été nettement moindre que celui des mégacapitalisations. Mais pour que les titres de faible capitalisation se portent mieux, je crois qu’il faut que quelques conditions soient réunies. Il faut que la croissance du PIB soit plus vigoureuse. L’activité économique doit être forte pour aider les petites entreprises, qui sont plus sensibles à la conjoncture économique. Il faut donc miser sur une assez forte croissance en 2025. C’est la toute première condition à satisfaire pour que les titres de faible capitalisation se portent bien. Je dirais que le coût de la dette est la deuxième condition. Il faut que les taux d’intérêt baissent. Quand Apple ou les sept magnifiques doivent emprunter, il n'y a pas de problème. Or, les petites entreprises familiales de l’indice Russell 2000 ou du S&P 600 dépendent beaucoup des conditions du crédit. Autrement dit, elles doivent avoir facilement accès au crédit. Lorsque ces entreprises s’adressent à leur succursale bancaire, peuvent‑elles facilement emprunter? Et que dire du coût du crédit? Selon ces deux points de vue, si la Fed assouplit sa politique monétaire et abaisse ses taux directeurs en 2025, je crois que le coût du crédit baissera. Le coût du crédit sera ainsi moins élevé. C’est le plus important. Et finalement, je pense que si la croissance économique est assez bonne, il sera probablement moins difficile, pour les petites entreprises, d’emprunter auprès des banques. Si la croissance est forte et que la conjoncture du crédit devait s’améliorer en même temps, 2025 pourrait être une année exceptionnelle pour les actions à faible capitalisation, d’autant plus que du point de vue de la valorisation, l’écart est assez considérable entre les grandes capitalisations et les petites capitalisations. Je crois que l’écart que nous constatons aujourd’hui s’est produit à plusieurs reprises auparavant, dans les 30 ou 40 dernières années à mon avis. Les titres de faible capitalisation s’échangent en contrepartie d’un rabais énorme sur les grandes capitalisations. Or, il faut combler cet écart; nous ne pourrons probablement pas le combler complètement. Il faudrait toutefois au moins constater un recentrage des cotes boursières. Je rappelle donc les deux conditions à remplir : une croissance plus vigoureuse et des conditions d’accès au crédit moins chères et faciles. Je crois que si nous réunissons ces conditions, les titres de faible capitalisation se porteront bien.
SM : Je crois que vous avez essentiellement parlé des marchés américains en général. Nous allons maintenant enchaîner avec votre prochain thème, soit les titres boursiers canadiens. Vous avez parlé dans votre rapport de miser sur les financières. Pourriez‑vous expliquer ce que vous entendez par là?
HSM : Oui, absolument. Le Canada profitera, par extension, de la solidité de l’activité économique américaine. Quand un jette un coup d’œil ailleurs dans le monde, je pense que les titres nord‑américains sont bien positionnés pour mener le marché. Il s’agit des titres canadiens et américains par rapport aux titres comparables ailleurs dans le monde. Sur le marché boursier canadien, j’ose croire que le TSX finira 2025 en territoire positif et dégagera un rendement satisfaisant. Mais sur le marché boursier canadien, je crois que les banques et les sociétés financières pourraient très bien tirer leur épingle du jeu. La Banque du Canada a été beaucoup plus ambitieuse que la Fed du point de vue de l’assouplissement monétaire. Je crois que la Banque du Canada continuera d’assouplir sa politique monétaire en 2025, ce qui pourrait finalement amener les consommateurs canadiens à dépenser davantage. Qu’en est‑il pour les banques? Il se peut que si l’économie canadienne se porte bien, les provisions pour pertes sur créances ne fassent que s’améliorer. La croissance prendra du mieux. La croissance du crédit hypothécaire sera elle aussi probablement plus vigoureuse, parce que les consommateurs pourront emprunter ou renouveler leur emprunt hypothécaire; la croissance du crédit sera probablement meilleure dans l’ensemble; il en sera peut‑être de même de l’activité sur les marchés financiers, des fusions‑acquisitions et des introductions en Bourse, ce qui pourrait également aider les banques canadiennes. La barre à franchir est assez faible. Lorsqu’on se penche sur les prévisions consensuelles établies pour les résultats bénéficiaires des banques, Bay Street s’attend à peu du point de vue de la croissance des bénéfices. Je crois que les banques pourraient faire mieux. Les titres boursiers des banques ne sont pas très chers selon les normes statistiques. Donc, si la croissance est un peu plus vigoureuse, qu’il y a de bonnes surprises et que le marché continue à recentrer sa cotation, les banques et les sociétés financières pourraient très bien se tirer d’affaire en 2025. Il s’agit justement du secteur le plus important de l’indice composé TSX. Les financières, les compagnies d’assurance et les banques pèsent plus de 30 % dans cet indice. Et si les banques et les financières se portent bien et offrent un rendement satisfaisant en 2025, il s’agira d’un assez bon point de départ pour l’indice composé TSX.
SM : Très bien. Je crois aussi que les produits de base représentent eux aussi une part assez importante de l’indice composé TSX.
HSM : C’est exact.
SM : Quelle est, à votre avis, l’orientation que suivront les produits de base?
HSM : Pour ce qui est des produits de base, leur étoile est en quelque sorte en train de pâlir. Ce que je veux dire, c’est que les cours du pétrole étaient de l’ordre de 80 $ et qu’ils ont commencé à se replier. Nous nous rapprochons probablement aujourd’hui autour des 75 $. Je crois que ce sera une année satisfaisante. Or, si le WTI est probablement enlisé dans cette fourchette, les résultats bénéficiaires devraient quand même connaître une assez bonne croissance l’an prochain pour les sociétés du secteur de l’énergie. Dans l’ensemble, nous sommes plus neutres sur cet aspect parce qu’à notre avis, les cours du WTI évoluent plus en zigzag. Quand on se penche sur la conjoncture mondiale de l’offre et de la demande de pétrole, nous nous attendons toujours à une assez bonne croissance, ce qui devrait porter la demande. Mais pour ce qui est de l’offre, Donald Trump veut pomper encore plus de pétrole aux États‑Unis, et la production pétrolière canadienne devrait croître. La capacité excédentaire de l’OPEP est énorme, surtout en Arabie saoudite. Je crois donc que dans cette conjoncture, les cours du pétrole pourraient se situer dans le haut de la fourchette des 60 $, et peut‑être même atteindre de 70 à 75 $. Les cours sont donc empêtrés dans une fourchette. Nous ne sommes pas négatifs sur cet aspect, mais je crois qu’il s’agit d’une conjoncture qui suivra davantage une tendance latérale. Pour ce qui est des métaux précieux, le pic du dollar américain pourrait certes faire peser une certaine pression sur l’or, mais elle ne sera pas nécessairement forte. Comme nous l’avons constaté récemment, l’or décroche de ses sommets et pourrait se situer dans les 2 600 $ et peut‑être même atteindre autour de 2 700 $. C’est toujours une bonne nouvelle pour les entreprises. On devrait certainement pouvoir réaliser des bénéfices à ces niveaux. Mais encore une fois, dans une conjoncture qui évolue latéralement, il faut probablement être plus neutre à cet égard. C’est pourquoi nous avons mentionné, dans nos prévisions, que l’étoile des produits de base est en quelque sorte en train de pâlir un peu.
SM : Je vois. Vous n’entrevoyez donc pas de pics énormes, mais pas nécessairement de grands plongeons non plus.
HSM : Exactement.
SM : Vous avez dit qu’au Canada comme aux États‑Unis, les titres boursiers pourraient mieux se tirer d’affaire que certains titres comparables à l’étranger. À l’échelle internationale, vous parlez de rêves brisés.
HSM : [en riant] Effectivement. Chaque année, nous avons des clients institutionnels qui nous posent des questions à propos des titres boursiers internationaux ou qui nous disent que ces titres sont beaucoup moins chers qu’aux États‑Unis, et que le moment est venu de prendre des positions sur ces titres. Or, dans les dernières années, la situation a été extrêmement décevante. Les titres boursiers internationaux ont offert des rendements inférieurs, qu’il s’agisse de l’indice MSCI, surtout de l’indice MSCI des marchés émergents, qui a fait moins bien que le S&P 500 américain. Et en toute honnêteté, je ne crois pas que la situation va beaucoup changer en 2025. L’indice MSCI EAFE regroupe les marchés de l’Europe, de l’Australasie et de l’Extrême‑Orient. L’indice MSCI MÉ regroupe les marchés émergents. Il s’agit donc — selon la définition — des marchés comme l’Amérique latine et la Chine, par exemple, et de certains pays européens, ainsi que des économies émergentes.
SM : Je vois.
HSM : Comme je l’ai dit plus tôt, il est préférable de se rapprocher de l’Amérique du Nord pour ce qui est de la répartition régionale des titres boursiers, de probablement privilégier une sous-pondération dans la région de l’Europe, de l’Australasie et l’Extrême‑Orient et de rester neutre sur les marchés émergents. Pour ce qui est de la région de l’Europe, de l’Australasie et de l’Extrême‑Orient, comme je l’ai mentionné, tous les titres boursiers internationaux paraissent bon marché par rapport aux titres américains. Or, il faut porter attention à la progression des résultats bénéficiaires. Quand on compare les titres d’entreprises américaines aux titres boursiers internationaux ou aux autres titres ailleurs dans le monde, je dirais que les bénéfices des entreprises américaines augmentent beaucoup plus rapidement que ceux des entreprises ailleurs dans le monde. Et c’est ce qui explique pourquoi les titres boursiers américains sont toujours en hausse par rapport au reste du monde. C’est aussi ce qui explique pourquoi les titres boursiers américains surclassent massivement les titres boursiers internationaux depuis plus d’une dizaine d’années à mon avis.
SM : Très bien. Permettez‑moi de vous poser une dernière question, à propos des marchés obligataires, qui ont connu certaines fluctuations, comme tous les autres marchés. À quoi faut‑il s’attendre cette année à votre avis?
HSM : Effectivement, en 2024, les indices obligataires du Canada et des États‑Unis ont dégagé un très faible rendement, à un seul chiffre, sur la base du rendement global, et en toute honnêteté, nous ne sommes pas super optimistes pour 2025 non plus. Je crois que le rendement sera positif. Mais la progression sera mitigée parce qu’à notre avis, les rendements obligataires — soit les rendements des bons du Trésor américain à 10 ans et les rendements obligataires américains — se maintiendront en 2025. Sur le marché obligataire, nous exprimons une préférence pour les obligations de sociétés plutôt que pour les bons du Trésor, et nous préférons les obligations de sociétés aux obligations d’État. Pour ce qui est des titres des sociétés, la solidité des résultats bénéficiaires, la vigueur de l’économie et l’appétence au risque devraient faire en sorte que les écarts sur les titres des sociétés resteront très rapprochés. En ce qui concerne les obligations d'État, je pense que la hausse des rendements obligataires et les préoccupations budgétaires si les taux de rendement des obligations d'État devaient augmenter un peu plus, pourraient exercer une certaine pression sur les obligations d'État.
SM : En terminant, disons que votre rapport est assez long et détaillé et qu’on y trouve beaucoup de graphiques. Il est peut‑être injuste de vous demander de nous en faire le résumé. Mais je vais quand même vous poser la question. [Rires] Que faut‑il surtout retenir, à votre avis, à la lecture de votre rapport? Je crois que selon l’ordre décroissant de vos priorités, il s’agit des titres boursiers, des obligations et des liquidités, n’est‑ce pas? C’est peut‑être ce qu’il faut surtout retenir, n’est‑ce pas?
HSM : Effectivement. D’après le scénario de base, il faut s’attendre à une forte croissance; la croissance de l’économie est solide grâce à l’assouplissement de la politique monétaire, qui devrait se poursuivre. Les tarifs douaniers représentent le plus grand risque qui assombrit l’horizon à l’heure actuelle. Si les tarifs douaniers sont élevés, ils pourraient bousculer considérablement notre scénario. Mais le scénario de base prévoit certains tarifs douaniers, en plus de l’assouplissement monétaire et des baisses d’impôts, qui viendront porter l’économie et favoriser la croissance des résultats bénéficiaires, ce qui devrait continuer de faire monter les cours boursiers en 2025. Comme nous l’avons dit, nous préférons les actions aux obligations. Nous nous attendons à des rendements moindres sur les obligations dans les marchés obligataires. Pour ce qui est de la diversification régionale des titres, je dirais qu’il faut se rapprocher de l’Amérique du Nord. C’est dans cette région que la croissance est la plus forte; les révisions du PIB sont sans doute plus favorables qu’en Europe et qu’en Asie. Et même si les titres nord‑américains et américains sont chers, ils le sont pour une bonne raison. Nous préférons l’Amérique du Nord au reste du monde; les titres de faible capitalisation connaîtront une assez bonne année en 2025. C’est donc à surveiller. Je crois que c’est essentiellement ce qu’il faut retenir.
SM : Hugo, merci beaucoup d’avoir été des nôtres. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants. C’est toujours agréable de vous recevoir à ce balado.
HSM : C’est pour moi un honneur.
SM : Nous venons d’entendre Hugo Ste‑Marie, premier directeur de la Stratégie de portefeuille et quantitative, Recherche sur les actions mondiales à la Banque Scotia.
Présentatrice : Merci d’avoir écouté le balado Le point sur les marchés de la Banque Scotia. N’oubliez pas de suivre l’émission sur votre plateforme de balado préférée. Vous pouvez aussi consulter notre site Web (https://www.gbm.scotiabank.com/fr.html) pour d’autres émissions riches en réflexions.
Hugo Ste-Marie
Premier directeur de la Stratégie de portefeuille et quantitative, Recherche sur les actions mondiales
La série de balados Le point sur les marchés fait partie de la série Capital de connaissances. Elle vise à vous présenter les perspectives des leaders et experts des Services bancaires et marchés mondiaux de la Banque Scotia.
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