Boris Sender, Charles Comiskey et James Williamson discutent des prévisions concernant l'évolution du marché des swaps et des taux d’intérêt américains pour 2025.
34 min d'écoute
Résumé de l’épisode :
Quelle direction prendront les taux d’intérêt américains et le marché des swaps en 2025? Dans cet épisode du balado Le points sur les marchés, Boris Sender, premier directeur de la Stratégie des taux américains, reçoit ses collègues de la Banque Scotia, Charles Comiskey, directeur général des Opérations sur les taux américains, et James Williamson, premier directeur des opérations de Swaps en dollars américains pour discuter des facteurs qui ont dicté l'évolution des marchés récemment. Ils abordent également l’évolution de la position de la Réserve fédérale et les effets de l’incertitude politique venant de la nouvelle administration. Cet épisode propose des observations pratiques pour aider les investisseurs à traverser une année charnière pour les marchés des titres à revenu fixe. Écoutez le point de vue de nos experts sur les éléments qui façonnent le paysage des taux d'intérêt américains et la position à adopter pour ce que nous réserve l'avenir.
Haut-parleurs de podcast
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Boris Sender
Premier directeur de la Stratégie des taux américains
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James Williamson
Premier directeur des opérations de Swaps en dollars américains
Charles Comiskey
Directeur général des Opérations sur les taux américains
Présentatrice : Vous écoutez le balado Le point sur les marchés de la Banque Scotia. La série de balados Le point sur les marchés fait partie de la série Capital de connaissances. Elle vise à vous présenter les perspectives des leaders et experts des Services bancaires et marchés mondiaux de la Banque Scotia.
Boris Sender (BS) : Bienvenue au balado Le point sur les marchés de la Banque Scotia. Je m’appelle Boris Sender et je suis premier directeur de la Stratégie des taux américains ici au bureau de New York de la Banque Scotia. Nous avons enregistré cet épisode le 9 janvier 2025, et nous allons parler aujourd’hui des prévisions sur les taux d’intérêt américains pour 2025.
Pour cet épisode enregistré à New York, je suis aux côtés de Charlie Comiskey, directeur général des Opérations sur les taux américains. Merci d’être des nôtres, Charlie.
Charles Comiskey (CC) : Merci beaucoup de m’avoir invité, Boris. Je suis heureux de participer à cet entretien.
BS : Nous avons aussi à nos côtés James Williamson, premier directeur des opérations de Swaps en dollars américains à notre bureau de Londres. James, merci d’être des nôtres.
James Williamson (JW) : Merci, Boris. Je suis ravi d’être ici. Merci de m’avoir invité.
BS : Je crois que nous allons d’abord commencer par un bref retour sur la fin de l’année 2024,
Charlie, je vais commencer avec vous. Qu’avez-vous pensé de la décision de la Fed de réduire les taux de 50 points de base en septembre et des facteurs qui l’ont amenée à prendre cette décision?
CC : Essentiellement, Boris, je pense que c’est une décision qui a pris de court certaines personnes.
Mais je pense en fait qu’on a essayé de nous dire à l’époque qu’on pensait avoir accompli des progrès dans la lutte contre l’inflation et que l’économie continuait de bien se porter, puisque le PIB avait augmenté de 2 % ou de 3 %. Du point de vue du chômage, la conjoncture était toujours assez solide : le taux de chômage était de 4 %. Je crois que la Fed a essentiellement tenu compte du fait que l’inflation avait baissé, à l’époque, à presque 3 %, et de la situation des taux sur les fonds fédéraux. Je crois aussi qu’elle s’est dit que pour abaisser les taux, il fallait que le rythme de la croissance et de l’inflation et le taux des fonds fédéraux concordent mieux avec ce qui la rendrait plus à l’aise, sans annoncer une baisse marquée au début pour mieux s’accorder avec ce qui serait idéal à son avis. Elle s’est aussi dit que chemin faisant, elle pourrait éventuellement ralentir les baisses, ce qui correspond vraiment à son mode opératoire. Il faut rappeler qu’il y a six ou neuf mois, le marché anticipait beaucoup plus de baisses de taux que ce à quoi il s’attend aujourd’hui.
La Fed a accompli d’énormes progrès dans les dernières années, en ramenant l’inflation de 9 % ou 10 % à 3 %, 2,5 % puis 3 %. Mais il semble que nous ayons en quelque sorte atteint un plateau, et c’est la raison pour laquelle, à l’heure actuelle, le marché anticipe un peu moins de deux baisses de taux l’an prochain.
Mais je crois aussi que la première décision d’abaisser les taux de 50 points était plus destinée à se rapprocher d’un taux qui était à son avis beaucoup trop juste, compte tenu des conditions sous‑jacentes. Cette baisse de 50 points de base, plutôt étonnante l’époque, était je crois la bonne décision à prendre.
BS : Effectivement, et c’est exactement ce que j’en pense moi aussi. Le Fed voulait simplement se rattraper sur le fait qu’il y avait eu, avant sa réunion, deux comptes rendus léthargiques sur l’emploi salarié.
Tout le monde parlait du déclenchement potentiel de la règle de Sahm, en se demandant s’il entrainerait une hausse fulgurante automatique du taux de chômage, ce qui ne s’est pas matérialisé en définitive. Or, la réaction du marché à cette baisse de taux de 50 points de base est très intéressante, ce qui a fait plonger à leur plus creux les rendements à 10 ans localement. Nous avons donc été témoins, de la mi‑septembre jusqu’à la présidentielle américaine, d’une période au cours de laquelle les rendements ont augmenté, et nous avons quasiment eu l’impression que le marché anticipait ces hausses dans les cours. Je ne veux pas dire que la Fed a fait un faux pas dans sa politique monétaire. Pourtant, il faut reconnaître qu’aujourd’hui, la Fed est en quelque sorte en avance sur la courbe, si on veut.
James, qu’avez-vous pensé de cette période entre la mi‑septembre et la présidentielle américaine et de la hausse des rendements à 10 ans qui s’est produite dans cette période?
JW : Comme Charlie vient de le dire, c’était un peu étonnant. La Fed a commencé par baisser les taux de 50 points de base, et si on pense à la situation des taux d’intérêt à l’époque, je pense qu’une baisse de 25 points de base n’allait pas vraiment permettre d’accomplir un progrès énorme. Je crois donc qu’elle s’est dit qu’il fallait y aller avec une baisse de 50 points de base. Probablement dans la réunion précédente, avec le recul, elle aurait baissé les taux de 25 points de base, puis de 25 points de base dans la réunion suivante.
Les indicateurs ont commencé à décoller presque aussitôt qu’elle a annoncé cette baisse de 50 points, ce qui a pris un peu tout le monde de court, puisqu’on pensait qu’elle serait ainsi forcée d’abaisser encore les taux en novembre, et finalement encore une fois en décembre.
Je crois que le marché a pensé que la Fed avait commis un faux pas monétaire, en quelque sorte, en faisant flamber les rendements à plus long terme, en enchaînant avec le court terme, et en ramenant en quelque sorte sur le marché une prime à terme, ce qui s’est évidemment produit de plus en plus depuis.
Dans les deux dernières années, nous avons en fait été témoins des véritables tourbillons du marché. Certaines données étaient solides, et les marchés ont réagi avec force; d’autres données étaient léthargiques, et les marchés ont vraiment mal réagi. Il semble que ce soit le même phénomène qui se reproduise. Les marchés ont surréagi et ont en quelque sorte forcé la main de la Fed; puis, ils ont surréagi dans le sens contraire. Si bien qu’aujourd’hui, ils anticipent moins de deux baisses pour toute l’année 2025. J’ai vraiment l’impression qu’on est maintenant allé trop loin.
BS : Effectivement. Cette réanticipation des baisses de taux dans les cours, que nous avons constatée dans l’un des principaux facteurs en cause, correspond évidemment à l’action sur les cours boursiers en prévision de l’élection, alors que les marchés flairaient la possibilité de plus en plus grande d’un raz‑de‑marée rouge. C’est en fait ce qui s’est finalement produit, comme vous le savez, et le dégagement s’est poursuivi après la présidentielle. Et quand je pense à cette période, nous croyons toujours que les marchés sous‑anticipaient la probabilité d’un raz‑de‑marée rouge. Nous avons à juste titre constaté que statistiquement, il y avait une étroite corrélation entre les résultats de la course à la présidentielle et ceux de la course au Congrès.
Nous pensions qu’à l’époque, une hausse des rendements était de mise, et nous avons cru que les rendements allaient encore augmenter après le dénouement de la présidentielle. C’est ce qu’ils ont effectivement fait, et ils ont en quelque sorte plafonné à partir du milieu jusqu’à la fin de novembre. Nous avons ensuite été témoins d’une remontée qui a détendu les marchés, et je crois qu’on pensait avec un peu d’optimisme que la plateforme du président Trump donnerait un tableau un peu mieux équilibré pour ce qui est de l’inflation et du déficit budgétaire, et à l’époque, on s’attendait à beaucoup dans les efforts potentiels du Department of Government Efficiency (Département de la sobriété gouvernementale), ayant pour mission de réduire les dépenses de l’État. Il a beaucoup été question de la lutte à mener effectivement contre l’inflation. Je crois que c’est ce qui a pacifié et calmé les marchés pendant au moins quelques semaines. À l’époque, cette accalmie a été en quelque sorte interrompue par la réunion plutôt étonnante du FOMC en décembre. Le FOMC a effectivement baissé les taux de 25 points de base. Or, le message publié dans la conférence de presse était légèrement différent de celui que nous avions entendu auparavant.
Charlie, qu’avez‑vous pensé de cette conférence de presse?
CC : Je crois que ce que nous commençons à voir dans les décisions de la Fed, et comme vous le savez, il en a beaucoup été question ici au bureau des opérations, quand on a parlé de la décennie qui a suivi la crise financière et qui a été marquée par des taux d’intérêt vraiment très faibles, soit de moins de 2 % la plupart du temps, c’est une période caractérisée par de faibles taux d’inflation, de faible de croissance et de faibles taux d’intérêt. C’est ce genre d’état d’esprit qui a, à mon avis, conquis ceux et celles qui font des opérations sur ces produits. Puis, la pandémie s’est abattue sur nous, et c’est ce qui nous a donné des taux d’intérêt de zéro, et même des taux d’intérêt négatifs en Europe. Cet état d’esprit voulait que la conjoncture soit propice à de faibles taux d’intérêt jusqu’à la fin de nos jours.
Et tout à coup, l’inflation a explosé comme jamais depuis 40 ans. Bien des gens ont été pris de court par le nombre de hausses de taux et tout le travail que la Fed a dû faire pour tâcher de freiner l’inflation. Et lorsque l’inflation a fait marche arrière, il y a un an comme nous le savons tous, nous avons anticipé une forte baisse, qui ramènerait à 2,5 % le taux des fonds fédéraux.
Et je crois que ce que nous constatons en réalité, c’est que nous revivons une époque normale, dans laquelle l’inflation est de l’ordre de 2 %, 3 % ou 4 %. Les taux d’intérêt et le taux des fonds fédéraux tournent autour de 3 % à 4 %, et non de 0 % à 2 %.
Il s’agit vraiment d’un retour à la normalité, et je crois que c’est ce que nous apprend cette réunion de la Fed. Elle va ralentir les baisses de taux en raison de la situation de l’inflation et elle s’en remettra beaucoup plus aux statistiques à terme. Effectivement, on croit qu’il y aura des baisses de taux à terme, mais elles ne sont pas autant coulées dans le béton qu’elles l’étaient il y a six mois. Elle se rend compte qu’il est difficile de ramener l’inflation sur la cible de 2 %, ce dont nous avons beaucoup parlé, Boris. C’est vraiment difficile. Il a été facile de ramener l’inflation de 9 % à 4 % ou à 3,5 %, mais il sera vraiment très difficile de la ramener de 3 % à 2 %. Et je pense que cette décision de la Fed le confirme. C’est la raison pour laquelle les marchés peinent aujourd’hui avec les baisses de taux à terme, parce qu’ils savent qu’il sera difficile de ramener l’inflation à 2 %.
BS : Effectivement. Ça fait sans aucun doute partie du message sur le gradualisme, n’est‑ce pas? Le FOMC a notamment constaté que l’inflation reprenait de la vitesse au quatrième trimestre. Et comme vous le savez, cette réaccélération a été franchement bien télégraphiée, à l’avance, par les corrections de l’IPC sur les marchés. On assistera en quelque sorte à une accélération naturelle, compte tenu des effets de base et de tous les autres facteurs.
C’est certainement ce qui a ébranlé la Fed dans sa conviction d’atteindre à court terme la cible de 2 %. Mais c’est aussi ce qui a introduit un nouvel élément d’incertitude et c’est ce qui a été porté par le dénouement de la présidentielle. On a en fait pensé à de nombreux participants du FOMC qui croyaient que cette élection allait en fait multiplier les incertitudes en ce qui a trait aux prévisions de l’inflation et de la croissance, ce qui explique que le public soit devenu un peu plus prudent que ce qu’il aurait été normalement. C’est bien entendu intéressant, puisqu’à la réunion d’avant, ils ont en fait laissé entendre qu’ils n’allaient pas admettre que l’on spécule sur les politiques de Donald Trump pour vraiment impacter leurs jugements tant que ces politiques ne seraient pas adoptées. Elles ont des répercussions sur les variables économiques, et il s’agissait d’un revirement assez brusque du point de vue de la Fed à ce sujet.
James, qu’avez‑vous retenu de ce basculement de novembre à décembre suite à cette réunion en ce qui a trait à l’impact de la conjoncture politique sur les calculs de la Fed?
JW : Je crois que la réunion de novembre a eu lieu seulement deux jours après l’élection, ce qui lui donnait peu de temps pour adapter cette décision en conséquence. Mais il va de soi qu’ils s’étaient déjà fait une idée.
Je crois qu’il est difficile, d’un point de vue politique pour la Fed, de donner trop d’information, d’intervenir démesurément et d’exprimer trop d’opinions. Or, elle doit se faire une certaine idée des tarifs douaniers, des plans d’immigration, et des répercussions de tous ces facteurs sur l’inflation à terme et sur l’économie en général.
Je crois que la Fed aura, probablement comme le reste du marché, de la difficulté à interpréter les signaux qui seront télégraphiés par l’administration. Et nous ne savons pas non plus s’il sera facile pour Donald Trump de faire adopter ce qu’il veut à la Chambre des représentants et au Sénat.
D’ailleurs, il semble déjà qu’il ait un peu de mal sous ces différents aspects. Je crois donc que la Fed devra manœuvrer délicatement dans cette situation très complexe. Elle devra le faire et en tenir compte comme elle l’a fait dans une certaine mesure. Mais quand nous avons pris connaissance du procès‑verbal de la réunion, il y avait vraiment très peu de détails sur ce qui s’est dit, n’est‑ce pas?
Et la Fed doit manœuvrer dans cette situation complexe en prenant connaissance des données sans surréagir et sans trop les interpréter parce que la situation pourrait changer très rapidement. Donald Trump peut lancer une affirmation et faire tout à fait le contraire.
CC : Quelle que soit l’identité de l’administration, c’est elle qui rédige les politiques, qui les soumet au Congrès et qui lui demande de voter, qu’il s’agisse des baisses d’impôts ou de la réduction des dépenses, entre autres. Et la Fed doit réagir à ce qu’elle voit venir. Elle doit discuter de l’idée d’imposer des tarifs douaniers, que l’on peut en théorie caractériser d’inflationniste.
Et elle a beau dire qu’elle ne fait pas de politique, qu’elle ne va pas voter pour un candidat ou un autre ou qu’elle ne va pas privilégier l’un plutôt que l’autre, elle doit certainement se demander qui sont les candidats et qui seront les gagnants lorsqu’ils entreront en fonction, puisqu’elle devra réagir aux politiques officielles.
BS : Certes, le changement d’administration et le changement dans les politiques officielles peuvent en fait se répercuter sur la trajectoire de l’inflation. Mais je crois qu’il est intéressant de se pencher sur les opérations qui se déroulent sur le marché des swaps d’inflation. Si on suit l’évolution du marché des swaps d’inflation dans différentes périodes entre la présidentielle et la réunion du FOMC, on constate que les swaps d’inflation à un an ont gagné environ trois dixièmes de 1 %. Les swaps d’inflation à un an sur un an ont monté d’environ 0,1 %, alors que les swaps à deux ans sur un an, à trois ans sur un an et à cinq ans sur cinq ans n’ont pas bougé du tout à la baisse par rapport à ce qu’ils étaient avant les élections. C’est donc une affirmation très intéressante, qui laisse entendre que les tarifs douaniers pourraient peut-être au moins avoir un impact ponctuel, sans toutefois vraiment changer, en définitive, la trajectoire de l’inflation, ce qui est en quelque sorte un rempart avant d’annoncer les tarifs douaniers en fonction de leur impact sur l’inflation. Il s’agit en quelque sorte du même impact furtif et ponctuel qu’une hausse de la TVA ou qu’une hausse des impôts.
Mais comme vous le savez, certains tarifs douaniers ne sont pas le seul aspect de la plateforme qui pourrait être inflationniste aux yeux de la Fed. Je crois que d’autres passages du procès‑verbal évoquent un changement dans la politique migratoire, et je pense qu’il s’agit du risque le plus légitime du point de vue de la plateforme du président Trump sur l’inflation : quel sera l’effet d’une migration potentiellement moindre.
Mais je crois que si mes prévisions pour 2025 dérogent au consensus, c’est parce que je pense que l’on prend mal la mesure des autres constituantes de l’agenda, ce qui pourrait se révéler désinflationniste. Donc, quand je pense aux différents facteurs évoqués, par exemple la hausse du nombre de mesures d’incitation pour accroître la production intérieure du pétrole brut ou la réduction des dépenses de l’État dans une certaine mesure, le programme élargi de déréglementation et les tentatives de résoudre certains conflits internationaux. Je pense que tous ces facteurs finiront par compenser peut‑être tous les types d’inflation sur le marché du travail. Et je pense qu’effectivement, si elle est bien séquencée, cette plateforme pourrait être désinflationniste en chiffres nets, et je pense que c’est probablement là que nous nous écartons le plus du consensus.
James, pourriez‑vous nous parler des échanges qui ont eu lieu sur les marchés depuis l’élection de la nouvelle administration, puisque comme vous le savez, il reste à peu près une semaine et demie d’ici à l’investiture?
JW : Je pense que la réaction initiale correspond à celle à laquelle nous nous attendions. Les taux ont augmenté, les écarts sur les swaps se sont rapprochés, et la courbe des rendements s’est pentifiée. Mais ces effets ont été d’assez courte durée. Ils se sont en quelque sorte tous renversés très rapidement. Et évidement, deux semaines après Noël, nous avons constaté que la courbe s’était assez bien pentifiée et que les rendements culminaient à des sommets.
Je crois que tout s’explique par une combinaison de facteurs. Mais je pense aussi que les marchés commencent à considérer que la nouvelle administration est légèrement plus risquée pour les taux à long terme qu’elle ne l’était auparavant. Nous nous rapprochons de l’incertitude. Or, le marché aurait dû le prévoir en novembre et en décembre. J’apprécie ce que vous dites du Département de la sobriété gouvernementale (Department of Government Efficiency), entre autres, mais ce qui m’inquiète, pour la politique de la nouvelle administration, c’est qu’elle devra se battre pour la faire adopter et pour obtenir tout ce qu’elle veut à la Chambre des représentants et au Sénat. Je pense aussi que toute la déréglementation et tout le fardeau réglementaire qui existe ne sont pas nécessaires au niveau fédéral, ni non plus au niveau des États, et il sera très difficile pour le président Trump de faire vraiment une percée à cet égard. Je pense aussi que les marchés se demandent peut‑être comment il réagira et comment il travaillera en collaboration avec Elon Musk et Vivek Ramaswamy et les autres et combien de temps leur relation durera. Il a évidemment l’habitude de se quereller avec les gens. Bien entendu, alors que récemment les rendements à long terme se rapprochent des 5 %, les marchés s’inquiètent encore un peu de ce qui va se produire et de l’effet plus ou moins important des tarifs douaniers sur l’inflation.
Dans la semaine écoulée, Donald Trump a fait beaucoup de commentaires, surtout à propos des frontières du Nord et du Sud avec le Canada et le Mexique, et même au sujet de certains pays européens, ce qui a évidemment eu un impact sur les taux et sur le dollar. Le marché s’attend probablement à ce que Donald Trump soit très médiatisé cette année, comme il l’a fait dans son premier mandat et comme il le fera toujours. Autrement dit, la situation évoluera rapidement, et il faut relever davantage les taux pour compenser ce type de volatilité qu’il produira.
BS : Et c’est exactement ce qui s’est produit : le refoulement et les rendements induits par le durcissement du discours dans la réunion du FOMC en décembre ont en quelque sorte eu pour effet d’amener les investisseurs à faire preuve d’attentisme. C’est ce que nous constatons dans les statistiques sur les liquidités des fonds : les placements consacrés à notre catégorie d’actifs ont spectaculairement ralenti. C’est pourquoi nous avons constaté qu’une grande partie de ce refoulement à long terme est en fait portée par les attentes vis‑à‑vis des taux à court terme. Toutefois, elle est aussi essentiellement portée par les primes à terme, ce qui rejoint votre argument, James, à propos de la prime de risque à nouveau offerte sur le marché, puisque l’incertitude des élections a cédé la place à l’incertitude des politiques à terme, à plus forte raison si on s’en remet à tous les points de vue potentiellement contradictoires à propos de l’ampleur des tarifs, des éléments exclus et inclus, et ainsi de suite. C’est ce qui explique une part de l’incertitude, et une partie de l’augmentation des primes à terme est probablement justifiée.
Mais si on se penche sur les niveaux atteints et en pensant au modèle ACM publié par la Fed de New York et qu’on analyse la séquence temporelle des primes à terme, on a éclipsé les niveaux de 2023. Et c’est en 2023 que la pentification de la hausse portée par les primes à terme s’est inscrite dans la courbe des bons du Trésor, en raison de la vive inquiétude qui pesait sur l’offre et la demande. Nous avons donc éclipsé ces niveaux. En fait, les niveaux n’ont pas été aussi élevés depuis le printemps 2015, au moment où les marchés réanticipaient les obligations allemandes à 10 ans, et ainsi à long terme ailleurs dans le monde. La question est donc de savoir si on a visé trop haut et trop vite, compte tenu de ce que nous savons.
La dernière fois que les primes à terme se situaient à ce niveau, c’était à l’automne 2023. On a alors constaté que de toute évidence, les rendements à 10 ans frôlaient les 5 % et les rendements à 30 ans éclipsaient les 5 %. C’était le début d’une embellie budgétaire et monétaire. Et je crois que c’est en partie ce qui pourrait permettre de freiner le dégagement dans les prochaines semaines.
Charlie, croyez‑vous que cette réanticipation des primes à terme et le fait que les taux se rapprocheront à nouveau de 5 % à long terme amènera la Fed à reculer dans le durcissement de la politique monétaire?
CC : Je crois que ça va déclencher des alertes, pour être honnête avec vous, Boris. À nouveau, on pourrait en parler longtemps. Mais en toute honnêteté, compte tenu de la situation budgétaire, il faudrait que les taux d’intérêt soient beaucoup plus élevés, ce que personne ne peut anticiper. C’est pourquoi le chiffre de 5 % effraie la Fed et le Trésor américain et devrait en fait effrayer la nouvelle administration. Et je crois qu’en portant le taux à 5 % à nouveau, à très long terme, et à plus de 20 % pour 20 ans, il y aura un recul à Washington quant aux moyens d’y faire face.
Il y aura donc énormément d’action, dans les 60 ou 90 prochains jours, au Congrès. On peut en dire autant du dénouement de toute cette activité. Je crois qu’il y a beaucoup d’incertitude et de nervosité à propos de ce qui en ressortira, et je pense que cette nervosité se répercute sur les rendements. Et en définitive, je crois que la nouvelle administration va commencer à réduire la taille du gouvernement; le marché de l’emploi se ralentira encore plus qu’il l’a fait jusqu’à maintenant. La croissance sera elle aussi freinée, et je pense que les taux commenceront à replonger. Et évidemment, je crois aussi que ce recul sera mené par l’amont de la courbe.
Mais à nouveau, c’est mon opinion. Je crois que c’est ainsi que tout se déroulera. Mais je pense aussi que le relèvement des taux à 5 %, à nouveau, est simplement à l’image de la nervosité des marchés en raison de l’incertitude des 60 ou 90 prochains jours. Et je pense qu’en définitive, il s’agira d’une bonne occasion d’acheter des titres.
BS : James, simplement pour enchaîner avec cet entretien, êtes‑vous d’accord pour dire que l’embellie monétaire et budgétaire interviendra cette fois à ces niveaux et pensez‑vous que ce sera aussi efficace qu’à l’automne 2023?
JW : Je crois qu’évidemment, ça dépendra beaucoup des données qui seront publiées. Les statistiques sur les emplois salariés sortiront demain, probablement, et nous serons fixés au moment où elles seront publiées. Or, les statistiques sur les salaires et les autres données seront essentielles à court terme. Et je ne crois pas que la Fed sera en mesure d’en faire beaucoup ou de convaincre le marché si les rendements à long terme redécollent, et si elle finit par abaisser les taux plus brusquement, il y a un danger, puisque les rendements à long terme pourraient être vraiment élevés et qu’on pensera que la Fed a perdu la maîtrise de la situation et que l’inflation va recommencer à flamber.
Il faut donc marcher sur un fil de fer très fin. Si les taux se maintiennent à ce niveau et que les rendements à long terme atteignent les 5 % et frôlent même 5,5 % ou 6 %, qu’adviendra‑t‑il du marché boursier? Et vous savez, c'est en quelque sorte une boucle de rétroaction. C’est ce que nous allons devoir surveiller.
Mais je crois que la Fed pourra difficilement maîtriser les taux à long terme, ne serait‑ce qu’en pensant à la difficulté qu’elle a eue quand il s’agissait de mater l’inflation, de composer avec l’évolution du marché du travail, entre autres. C’est en quelque sorte un dilemme et une situation épineuse.
Pour ce qui est des taux à long terme, il faut rappeler que dans les 15 dernières années, les taux ont été très faibles. Il va donc de soi que tout ce qui est supérieur à 5 % devient vraiment attrayant. Les gens ne se souviennent plus à quel niveau étaient les taux.
CC : Effectivement.
JW : Mais bien des gens se disent que des taux de 5 %, ce serait fantastique, n’est‑ce pas? Mais ce genre de taux sera‑t‑il suffisant? Il est difficile de le dire compte tenu du déficit et de tous les problèmes budgétaires qui existent, non seulement aux États-Unis, mais partout ailleurs dans le monde.
BS : Oui, et le dégagement s’est certainement déroulé à l’échelle mondiale. Ce n’est pas un phénomène qui s’est abattu seulement sur les États-Unis. Le Royaume-Uni a lui aussi, évidemment, défrayé la chronique : ses taux à long terme n’ont jamais été aussi élevés depuis 1998.
Il s’agit certainement d’un phénomène mondial, qui s’est nourri de lui‑même. Mais si on pense à des coûts de crédit de 5 % à long terme pour le gouvernement et qu’on pense aussi à l’emprunteur typique et très solvable, qui offre des titres de première qualité, et qui emprunte probablement à 100 points de base de plus, on sait que ces coûts du crédit sont de l’ordre de 6 % à 6,5 % dans une économie dont la croissance nominale devrait s’élever à 4,5 % l’an prochain ou plus tôt cette année et atteindre probablement un niveau comparable en 2026. Ces coûts du crédit ne sont pas particulièrement attrayants quelle que soit l'expansion. Et je crois certainement que la nouvelle administration sait que ces niveaux sont probablement trop élevés à leur goût, puisqu’il s’agit en quelque sorte d’une explosion menée par les investissements aux États-Unis, alors que nous rapatrions une partie de notre consommation, ce qui est très difficile avec des coûts du crédit aussi élevés.
Je pense que la Fed sait aussi que la conjoncture financière s’est plutôt durcie de ce point de vue depuis sa réunion de décembre. Je ne serais donc pas étonné d’apprendre que rhétoriquement, elle décidera d’assouplir un peu son message par rapport à ce qu’elle avait déclaré en décembre. Nous en avons vu les prémices cette semaine dans les commentaires de Waller, lorsqu’il a parlé de continuer de soutenir le cycle des baisses de taux, entre autres.
Je crois donc que c’est ce qui va se produire à la rigueur. Et quand je pense aux événements du prochain mois, l’investiture n’est pas le seul événement important que les opérateurs boursiers ont dû encercler dans leur agenda.
La Fed tiendra aussi une réunion le mercredi 29 janvier et enchaînera, peu après, avec la première déclaration sur le remboursement trimestriel, le mercredi 5 février, et même si quelques semaines seulement se seront écoulées depuis la prise de fonction de la nouvelle administration, elle continuera d’encadrer l’ancienne administration en priorisant les émissions de titres dans l’extrémité courte de la courbe. Je crois aussi que dans la foulée de cette prévision à terme, l’angoisse s’apaisera pour ce qui est de l’offre cette année. Je pense que la majorité s'attend à ce que la nouvelle administration, qui critiquait le recours au financement par des bons du Trésor de la précédente administration, restera fidèle à cette stratégie, compte tenu de tout ce qui l’incite à le faire, et comme vous le savez, ce qui est plutôt spectaculaire, c’est que la courbe s’inverse et que l’offre à court terme est inférieure, pour tous les rendements, à la courbe en aval. Mais James, vous le savez probablement mieux que quiconque : les opérations à court terme au taux SOFR (le taux des prêts garantis à un jour) ne bougent pas et les opérations en aval se font au taux SOFR majoré de 85. Et comme vous le savez, si j’étais une société émettrice, je connais la partie de la courbe sur laquelle je miserais certainement.
Or, certains évoquent la possibilité de rendements nettement supérieurs dans le court terme. Certains acteurs acheteurs sur le marché ont attiré l’attention sur des brèches de 5 % vers 550. Certains parlent même de 6 %.
Charlie, que pensez‑vous qu’il faut faire pour atteindre les niveaux que certains réclament?
CC : Il faudrait que l’inflation se mette à remonter. Vous parlez bien de rendements à long terme de 5,5 % ou 6 %, n’est‑ce pas?
BS : Oui.
CC : Alors, il faudrait que l’inflation se remette à monter et atteigne 4 %. Il faudrait aussi que le taux de chômage soit inférieur à 4,5 %. Mais pour être honnête avec vous, Boris, ce sont des chiffres affolants à mes yeux.
Je ne pense tout simplement pas que ces chiffres sont viables, compte tenu de la situation budgétaire. Et je pense qu’il y aurait un reflux politique sur la question. J’en suis persuadé. Et à nouveau, comme James l’a mentionné, le marché boursier a décollé pour enchaîner des rendements de 25 % pendant deux années d’affilée. Je crois donc que le marché boursier serait alors très risqué.
Dans quelles conditions cela pourrait-il se produire? Serait‑ce à nouveau un manque de confiance dans la nouvelle administration? Se lancera‑t‑elle encore une fois dans de folles dépenses? Baissera‑t‑elle trop les impôts globalement? Je ne crois pas que toutes ces éventualités se réaliseront. C’est ce que je crois, compte tenu des gens que la nouvelle administration a nommés, dont Scott Bessent, qui a été durant toute sa carrière l’un des plus grands faucons du déficit.
Ce sont des possibilités dont on a parlé. J’ai de la difficulté à croire que c’est ce qui se produira. À nouveau, une flambée de l’inflation nous plongerait probablement et très certainement dans cette situation. Je ne crois pas que ça se produira. Je ne le pense vraiment pas. Mais je pense que ces conditions, si elles devaient se concrétiser, seraient désastreuses pour tout le monde.
BS : Vous avez parfaitement raison. Et j’ai tendance à croire que s’il y a effectivement une brèche assez importante de 5 % à long terme, surtout si elle est portée par des rendements réels, il s’agira d’une très mauvaise nouvelle pour les marchés boursiers. Comme nous l’avons constaté récemment, quand les rendements frôlent ces niveaux, les marchés boursiers commencent à vaciller.
Je ne pense pas que ce soit un phénomène auquel la Fed réagit généralement et je ne crois pas non plus qu’elle interviendra s’il se produit cette fois. L’inflation pourrait en être en partie le catalyseur. Mais je crois que nous avons parlé du risque à deux volets pour l’offre si le Département de la sobriété gouvernementale (Department of Government Efficiency) réussit à s’acquitter de sa mission. On pourrait ainsi finir par compter, cette année, sur une meilleure dynamique de l’offre que ce que l’on croit.
S’il ne réussit pas, cette dynamique sera probablement pire étant donné les besoins en refinancement du gouvernement, et les coupons augmenteront naturellement. Mais si je pense à la demande, quels sont les différents leviers que l’on pourrait éventuellement activer pour rehausser la demande?
Scott Bessent, le nouveau secrétaire du Trésor, a quelques questions à trancher à propos de l’amélioration de la dynamique de la demande. L’exclusion des bons du Trésor dans le calcul du ratio de liquidités statutaire est l’une des questions qui ont été évoquées, ce qui a attiré l’attention du point de vue des discussions.
C’est la possibilité qui a été évoquée, non seulement pour améliorer la demande sur le marché des bons du Trésor, mais aussi comme moyen de déverrouiller le capital pour qu’il soit plus productif. Il s’agit aussi d’un mécanisme qui permet au marché du refinancement de continuer de fonctionner, même si le délestage du bilan continue de ralentir.
Cette règle comporte certains avantages. Et elle n’a pas, en fait, à être approuvée par le Congrès ni à faire l’objet d’une loi. D’après ce que je crois savoir, c’est une question que la Fed, l’OCC et la FDIC pourraient trancher. Il pourrait s’agir d’un angle intéressant, ce qui pourrait permettre de déverrouiller un certain capital dans la demande bancaire des bons du Trésor.
James, il est évident que l’exclusion des bons du Trésor dans le calcul du ratio de liquidités statutaire est très importante dans votre univers, dans les opérations sur les swaps et dans les écarts de swaps. Pensez‑vous que tous ces facteurs entrent aujourd’hui en ligne de compte dans les cours boursiers?
JW : Je crois que oui, dans une certaine mesure. Comme nous l’avons constaté dans les écarts sur les swaps au cours de l’année écoulée, chaque fois qu’il se produit un changement technique du genre, on se rallie quasiment à la rumeur, on est convaincu par les faits du point de vue de ce qui se déroule sur le marché. Quand on pense au durcissement quantitatif et à la récente mise au point apportée au taux de refinancement inversé, les écarts au comptant seraient attrayants. Et quand ça se produit effectivement, il y a une contre‑offre. L’effet est en fait plutôt modeste. Je ne suis pas certain que s’il est exclu dans les calculs, le ratio de liquidités statutaire aura un impact retentissant sur les écarts des swaps, en particulier. Comme nous l’avons constaté cette semaine, il va de soi que la demande est forte dans l’achat des swaps sur les actifs offerts sur le marché.
Tout dépend en fait des changements qui interviendront au sein de la Fed. Michael Barr s’est en fait démis de ses fonctions, ce qui n’est pas en soi un facteur technique qui a une incidence sur le marché. Mais c’est évidemment un signal que les règles du capital seront en quelque sorte assouplies avec le départ de Michael Barr et la nomination de son remplaçant. Tous ces facteurs ont en quelque sorte un effet à court terme de quelques points de base, mais n’ont pas tendance, du moins pour l’année écoulée, à produire un effet aussi énorme et durable. Ce qui est vraiment porteur sur le marché des swaps, c’est l’importance de l’offre et la situation du déficit, qui a fait beaucoup baisser les écarts sur les swaps dans l’année écoulée ou dans les 18 derniers mois, surtout dans l’extrémité longue de la courbe.
Je crois donc que c’est ce qui se produit effectivement : les écarts seront très recherchés. Mais je pense aussi qu’ils inverseront probablement rapidement la plus grande partie, voire la totalité de cette action sur les cours boursiers.
BS : Dans l’éventualité où cette règle devait être adoptée, à combien se chiffrera‑t‑elle à votre avis dans les écarts sur les swaps, que ce soit à 5, 10 ou 30 ans?
JW : Voilà une question à laquelle il est difficile de répondre. Mais vous savez, c’est généralement le genre d’impact qui se produit lorsqu’on augmente les achats, dans tous les cas où l’achat d’un plus grand nombre de bons du Trésor provient normalement d’une variation inférieure à 5 points de base, par exemple 2 ou 3 points de base. Je crois que nous serons témoins d’un dénouement comparable.
Avez‑vous un chiffre différent à nous donner?
BS : Oui. On a eu l’impression que l’exclusion a été temporaire et qu’elle a été comprise entre mars 2020 et mars 2021. Il semble aussi que le durcissement des écarts sur les swaps, qui s’est produit après l’exclusion, a finalement été un peu plus important. Mais, il faut évidemment tenir compte de bien d’autres facteurs. Les dépenses déficitaires ont explosé aux alentours du printemps de 2021, et il est vraiment difficile d’en tenir compte, comme vous le laissez entendre. J’ai tendance à penser qu’il s’agira probablement de 10 points de base, mais uniquement pour le long terme. Je crois que la courbe des écarts s’est aplanie et qu’elle se repentifiera probablement avec les écarts à long terme et qu’elle les surpassera dans certains cas, puisque si on retranche la consommation de capital dans les écarts sur les swaps à long terme, tout d’un coup, les écarts longs de plus de 85 pour le rendement du capital paraissent beaucoup plus attrayants du point de vue de ce rendement. J’ai donc tendance à penser que les rendements sont probablement plus proches de 10 que de 5. Mais je crois aussi qu’il faut tenir compte de tous les autres facteurs.
Évidemment, il faut prendre en compte les dépenses déficitaires, les attentes à cet égard et les courants de dépenses, entre autres. À nouveau, il est vraiment difficile de pondérer tous ces facteurs. Mais je pense, comme vous le dites, que les écarts sur les swaps se creuseront épisodiquement si ce discours prend de la vitesse.
Je pense que nous avons couvert beaucoup de matière et que le moment est venu de parler de nos prévisions.
Je vais donc demander à chacun de vous de me dire à quoi vous vous attendez de la Fed pour ce qui est du nombre de baisses de taux qu’elle arrêtera cette année.
CC : Très bien, je vais commencer. Compte tenu de ce que je pense de l’évolution de la situation avec cette nouvelle administration, compte tenu du ralentissement de l’économie, et parce que l’inflation restera comprise dans la fourchette de 2 % à 3 %, je crois que la Fed annoncera cette année trois ou quatre baisses de taux.
C’est ce que je pense. C’est l’opinion que j’ai livrée le 9 janvier. Mais compte tenu de ce que je sais aujourd’hui et de ce que je crois que fera cette administration, et parce que je suis persuadé que tout le monde est d’accord pour que les taux soient stables et baissent, je pense que c’est ce qui va effectivement se produire, et je crois que la Fed annoncera cette année trois ou quatre baisses.
BS : Qu’en pensez‑vous, James?
JW : Je suis plutôt du même avis. Je crois qu’il est logique de s’attendre probablement à trois ou quatre baisses. Presque tous les membres de la Fed, peu importe ce qu’ils disent quand il est question de ralentir les baisses de taux, font tous à peu près savoir qu’ils vont réduire les taux, plus ou moins progressivement, et je pense qu’il s’agira de baisses d’un quart de point ou proches d’un quart de point.
BS : Je suis surpris de constater que nous sommes tous d’accord pour dire qu’il y aura trois ou quatre baisses de taux.
CC : [Rires] Sommes‑nous vraiment d’accord? Je vais changer d’idée. Attendez une seconde.
BS : Vous savez, j’ai tendance à être d’accord avec vous tous. Vous savez aussi que si le rapport sur l’emploi salarié est léthargique ou que le Département de la sobriété gouvernementale (Department of Government Efficiency) connaît un succès modéré, je crois que la Fed pourra emprunter de nombreux parcours pour décréter trois ou quatre baisses. J’ai du mal à croire qu’il y aura plus de quatre baisses. J’ai de la difficulté à croire que la Fed fixera les taux à 3 % ou moins compte tenu du taux neutre, et la Fed a admis que le taux neutre avait dépassé les niveaux atteints avant la pandémie. J’ai tendance à croire que les taux se tasseront probablement et seront de l’ordre de 3 % ou de 3,5 %. Le taux des fonds fédéraux sera donc de 3 %, de 3 ⅝ % ou de 3 ⅜ %.
Ces chiffres vont probablement, je l’espère, semer un peu la discorde. Je vais donc vous demander ce que vous prévoyez pour les rendements à 10 ans. Les rendements à 10 ans s’échangent aujourd’hui à 469. Je vais vous demander à tous les deux à combien s’élèveront au bas mot les rendements de l’année, à combien ils s’élèveront au maximum et à combien ils s’élèveront à votre avis à la fin de 2025.
Charlie, commençons par vous.
CC : Très bien. Les rendements à 10 ans vont s’établir, à mon avis, à 490 à un taux de 5 %, peut‑être dans le prochain mois ou les prochaines semaines. Je crois aussi que les rendements à 10 ans dans le bas de la fourchette seront probablement légèrement inférieurs à 4 % et s’élèveront peut‑être à 3 %, 3 ⅞ % ou 4 %, d’après ce que j’entrevois.
Je ne pense pas que la séquence baissière du marché obligataire soit aujourd’hui terminée.
JW : Et je pense que la fourchette sera un peu plus grande. Je crois aussi que c’est ce qui se produira cette année, surtout si la conjoncture sous l’administration Trump devient extrêmement volatile. Je crois que les rendements à 10 ans pourraient facilement s’établir à 5,5 %. Et je crois que les rendements à 30 ans pourront s’inscrire à 6 %. Mais je pense aussi qu’ils pourraient facilement être inférieurs à 4 %. À mon avis, les marchés seront plutôt débridés cette année.
BS : Très bien.
CC : J’espère qu’il a raison, en passant. C’est bien.
BS : Il va y avoir énormément de feux d’artifice. Très bien. James a donc parlé d’une fourchette de 200 points de base, n’est‑ce pas? Si je comprends bien, on parle de taux de 4 % à 6 % sur les rendements à 10 ans.
JW : De 4 % à 5,5 %.
BS : De 4 % à 5,5 %, donc 150 points de base. Charlie, est‑ce exact?
CC : Oui. Une centaine de points de base.
BS : Une centaine de points de base.
Je m’attends probablement à des rendements de l’ordre de 390 points de base à 5 %. Je pense qu’il s’agit sans doute d’une fourchette assez juste.
Je crois qu’en définitive, au terme de l’année, les rendements à 10 ans seront proches, à la clôture, du bas de la fourchette. Ils se rapprocheront donc, à mon avis, de 425 points de base, puisque je crois qu’il y aura quatre baisses de taux.
Je pense que ça va recentrer les attentes vis-à-vis du taux terminal. Et je pense aussi que dans une certaine mesure, même les contrats à long terme de longue date baisseront et que la Fed pourra annoncer quatre baisses cette année.
Mais nous devrons vous réinviter tous les deux pour revoir certaines de ces prévisions.
CC : Seulement si j’ai raison, Boris.
BS : C’est parfaitement vrai. Nous avons de bonnes options. Vous êtes tous les deux d’accord, n’est‑ce pas? L’un de nous est sur le point d’avoir raison.
CC : Exactement.
BS : Nous avons été ravis d’avoir pu vous parler. Merci d’avoir accepté notre invitation. Je crois qu’il faudrait se reprendre chaque trimestre. Qu’en pensez‑vous?
CC : Ça me plaît, effectivement. Et merci de m’avoir invité. Nous avons eu un bon entretien. C’est très bien.
JW : Effectivement. Merci, Boris.
BS : Merci, James. Et merci, Charlie.
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